LA TOILE COMME FRONT :

QUAND LE KAMERUN SE DÉCOMPOSE PAR CLAVIERS INTERPOSÉS

Un vent malsain souffle sur les réseaux sociaux Kamerunais, transformés en véritable champ de bataille numérique. De faux regroupements ethniques sont créés, des citoyens sont rangés comme des marchandises selon leurs noms, et la haine devient virale. Le pire ? L’État observe en silence, pendant que la société glisse vers une fracture irréversible.

Des « communautés » qui n’existent que pour diviser

Sur la toile Kamerunaise, quatre blocs fabriqués de toutes pièces imposent une nouvelle géographie haineuse : Anglo-Bamis, Ekan-Beti-Bulu, Wadjo-Babana et Sawa-Bassa. Ce ne sont pas des entités culturelles reconnues, encore moins des fédérations politiques. Ce sont des constructions fantasmées, des étiquettes tribalistes créées pour classer, opposer et stigmatiser.

Un internaute s’appelle-t-il Kamga ? On l’accuse de « soutenir la diaspora haineuse. S’appelle-t-il Mvondo ? Il est catalogué « régime oppresseur ». S’il porte le nom Agbor ? Il est un terroriste ambazonien qui veut s’associer au Nigeria pour diviser le pays. Les noms de famille deviennent des manifestes politiques malgré eux.

Le règne des faux profils et des cyber-milices

Le cyberespace est désormais infiltré par des bataillons anonymes, armés de claviers et d’avatars. Leur mission : enflammer, diviser, humilier. Ils accusent sans preuve, inventent des histoires, exhument des vieilles rancunes. Les campagnes de dénigrement ciblent indistinctement : artistes, journalistes, politiciens, ou simples citoyens.
Ce n’est plus du débat, c’est une guerre d’usure identitaire . Et le pire, c’est que personne ne peut y échapper. Tout le monde devient suspect.

Silence radio des autorités compétentes

La Loi n° 2010/012 sur la cybersécurité ou celle sur la cybercriminalité sont pourtant claires : l’incitation à la haine ethnique, les fausses informations, le harcèlement numérique sont des délits punissables. Pourtant, les autorités ferment les yeux.

Pourquoi ce laxisme ? Par peur d’être accusées de censure ? Par calcul politicienne ? Ou simplement par absence de volonté politique ? En attendant, la haine prospère.

Le danger est là, bien visible

Le pays de Makembe Tollo vit une normalisation de l’intolérance. Ce qui n’était que murmure devient cri. Ce qui n’était qu’indice devient preuve. À force de banaliser l’insulte ethnique, on prépare une poudrière. * »Ceux qui ne veulent pas prévenir le mal doivent accepter d’en porter les conséquences. »* disait Saint Augustin

Et si c’était déjà trop tard?

Un jour, quand les divisions numériques prendront forme physique, on pleurera un conflit qu’on aurait pu désamorcer. Il est encore temps. Mais le temps, lui, ne fait pas de pause. Les autorités doivent agir. La toile est un miroir, et ce qu’elle reflète en ce moment, c’est un Kamerun fracturé. Saurons-nous le recoller ?

Hilaire Ngoualeu Ham Ekoue