SÉISME AU SUD :
L’AFFRONT D’ÉRIC GERVAIS NDO À LA DISCIPLINE DU RDPC IMPULSÉE PAR LE PRÉSIDENT BIYA

Par une défiance inédite lors de l’élection du bureau de l’exécutif régional, Éric Gervais Ndo a renversé le candidat investi par Paul Biya. Au-delà du simple fait divers électoral, cet acte de rébellion met à nu les fragilités de l’équilibre géopolitique interne et expose son auteur à des sanctions historiques.
Le scénario d’une rupture annoncée
Le calendrier républicain prévoyait une simple formalité administrative ce mardi dernier lors des sessions de plein droit des dix conseils régionaux du Cameroun. Pourtant, si neuf régions ont validé leurs bureaux sans heurts, le Sud a basculé dans l’incertitude. La cause de ce blocage réside dans la fronde menée par Éric Gervais Ndo, conseiller régional de la Mvila. Ce dernier a contesté frontalement l’investiture du Comité Central du RDPC qui portait sur Antoine Bikoro, originaire de la Vallée du Ntem. Malgré les injonctions répétées de Joseph Le, mandataire du parti, le challenger a maintenu sa candidature, forçant le Gouverneur à arbitrer, en procédant à l’élection, un duel fratricide qui s’est soldé par la défaite du candidat officiel.

Un sacrilège politique dans le sanctuaire du pouvoir
Le caractère exceptionnel de cet événement tient à la sociologie politique de la région du Sud. Dans ce bastion considéré comme le socle granitique du RDPC, l’homogénéité est totale et la parole du président national, Paul Biya, fait office de loi d’airain. En rejetant publiquement les instructions du chef de l’État, Éric Gervais Ndo ne s’est pas seulement porté candidat, il est entré en rébellion ouverte contre le fondateur du parti. Cette insubordination rappelle les heures sombres des compétitions électorales passées où le Conseil de discipline, jadis sous l’égide de Peter Mafany Musongue, avait frappé d’exclusion les militants ayant osé braver la hiérarchie.
La géopolitique des départements en lambeaux
L’analyse des enjeux révèle que ce conflit dépasse les ambitions personnelles pour toucher au cœur du pacte d’équilibre régional. Le choix d’Antoine Bikoro pour la Vallée du Ntem n’était pas fortuit car ce département fait figure de parent pauvre de la distribution des postes ministériels. À l’inverse, le département de la Mvila jouit déjà d’une forte représentation avec deux membres au gouvernement, tandis que le Dja-et-Lobo en compte trois et l’Océan un seul. En s’emparant de la présidence régionale, la Mvila brise cette tentative de compensation politique pilotée par le Palais d’Etoudi, laissant la Vallée du Ntem dans une forme d’orphelinat institutionnel.
Un précédent dangereux pour le RDPC
Si certains observateurs veulent voir dans ce coup d’éclat une preuve de vitalité démocratique interne, la majorité des analystes s’inquiètent des conséquences systémiques. Cet épisode ouvre un boulevard à la contestation des décisions centrales. En démontrant qu’une investiture présidentielle peut être battue dans les urnes locales, Éric Gervais Ndo fragilise l’autorité de Paul Biya sur ses cadres. Des sources proches du parti indiquent que des sanctions exemplaires sont déjà à l’étude afin d’étouffer toute velléité de contagion dans d’autres régions. Le RDPC se retrouve désormais face à un dilemme majeur : pardonner pour préserver la paix sociale dans le Sud ou sévir pour restaurer le principe de l’autorité absolue.
