NON À LA TORTURE:
JEAN MBOUENDÉ ET L’ÉPREUVE DE LA BALANÇOIRE EN 1965

Le Patriarche Jean MBOUENDÉ

Jean Mbouendé est élu maire de la commune de plein exercice de Bafang en avril 1961. Le Cameroun ne comptait que 05 communes de ce genre, avec les pouvoirs étendus : Yaoundé, Douala, Nkongsamba, Bafoussam et Bafang.

Jean Mbouendé, veut profiter de ce mandat pour réaliser le troisième objectif de l’upc, à savoir élever le standard de vie de ses compatriotes.

Mais il y’a un clou dans sa chaussure, c’est le premier préfet du Haut-Nkam, Obam Mfou’ou Jérémie qui va chercher vainement à composer avec le maire pour distraire les fonds de la commune. Face à la résistance farouche de Jean Mbouendé qui va clairement lui dire que le budget communal a les objectifs sociaux qu’il va s’atteler à réaliser, le préfet va chercher à mettre les bâtons dans sa roue, allant jusqu’à obtenir la démission collective forcée de 25 conseillers municipaux à l’exception de deux qui vont avoir le courage de lui dire non: Nankam Célestin et Koumassi Martin.

Yaoundé s’en étonne parce que la commune de Bafang fonctionne bien. C’est pourquoi Mohaman Lamine, secrétaire d’État chargé des affaires communales va se déplacer pour Bafang pour s’enquérir de la situation et ce sont ces deux conseillers qui vont lui expliquer qu’ils ont refusé de signer cette lettre de démission initiée par le préfet et envoyée nuitamment chez eux.

Le préfet va alors multiplier les forfaits contre le maire sans succès.
Le président Ahidjo étant au courant de cette situation, va affecter le préfet à Douala comme secrétaire d’inspection fédérale d’administration, une sorte de promotion rétrogradation, ce qui va le choquer, et de Douala où exerçait son frère cadet Mfou’ou Nvondo comme commissaire, ils vont ourdir un complot sur Jean Mbouendé en l’accusant faussement d’avoir remis la somme de FCFA 1 200 000 à Ernest Ouandié pour financer le terrorisme alors qu’il s’agissait d’un prêt régulièrement obtenu à la banque camerounaise de développement à Dschang et pour lequel la banque s’est assurée de l’usage effectif qui était les travaux champêtres.

Le 16 juillet 1965 au soir, le maire est conduit manu-militari à la BMM de Manengouba et est soumis à l’épreuve de la balançoire pour essayer d’obtenir la vérité que ses bourreaux voulaient.

La balançoire était un instrument de torture particulièrement redouté. On vous y accrochait nu, pieds et points liés. Le respect de la pudeur se limitait au slip que vous gardiez. De part et d’autres de la balançoire, et à distance idoine, deux gendarmes baraqués se renvoyaient violemment le corps flottant du supplicié. Pris dans le tourbillon de la nasse étoilée que la vitesse du mouvement offrait à sa vue, ce dernier n’avait plus qu’à dire ce qu’on voulait qu’il dise: c’était cynique.

Quand le commissaire va enjoindre Jean Mbouendé de grimper sur cette balançoire, il va lui dire merci en sachant à quelle supplice il aura à faire.
Soumis donc à cette effroyable épreuve, Jean Mbouendé va implorer le Seigneur en ces termes:  » je meurs pour m’être battu pour l’indépendance de mon pays, je meurs pour avoir obtenu régulièrement un prêt de FCFA 1 200 000 à la BCD de Dschang , oh Seigneur, ne m’abandonne pas.. »
Il avait fini de dire ces paroles et comme par miracle, les cordes de la balançoire se sont aussitôt coupées.
Ses geôliers, dont Sitcheu Maurice et Mbarga Mintsa ,venu de Douala pour renforcer L’équipe, ont pris peur et vont se rendre à l’évidence qu’il y’avait simplement lieu de libérer Jean Mbouendé et d’avoir la main un peu plus douce. Ils vont alors lui demander de se rhabiller et le ramener à la gendarmerie mobile, puis à la BMM de Douala et Yaoundé où il passera 06 mois.

Le dossier étant manifestement vide, au lieu de le libérer, on va plutôt mettre un hélicoptère à sa disposition pour le conduire, sans jugement au centre de Rééducation Civique de Mantoum où li passera 04 ans et demi, au fallacieux motif de vouloir le protéger pour qu’on n’attente pas à sa vie…

Clément W. Mbouendeu, contre l’injustice et la torture comme le défunt Patriache Jean MBOUENDÉ

Après la prison sans cause de 1947 à cause de la vulgarisation de la caféier-culture, 05 ans dormant dans un tronc d’arbre dans ses exploitations agricoles pour se soustraire de la furie coloniale, il va encore subir le martyre de 1965 à 1970 et enfin sera tabassé par une horde de commandos instrumentalisés au col Batié en 1991 alors qu’il se rendait avec quelques camarades à Bafoussam pour une réunion de l’upc.

Au crepuscule de sa vie, le peuple reconnaissant à travers le Cercle des Élites Intérieures du Haut-Nkam a construit une stèle à son honneur qu’il a vue avant de décéder le 16 juillet 2004 sans agitation et sur son lit à l’âge de 114 ans.

La patrie reconnaissante également, par la plume du Chef de l’État, Son Excellence Paul Biya lui a accordé les obsèques officielles et l’a élevé à la Dignité de Commandeur du Mérite Camerounais à titre posthume.

En vidéo ci-dessous, un extrait de l’émission de la Crtv « LES FIGURES DE L’HISTOIRE  » où Jean Mbouendé fait une évocation de la torture à Nkongsamba.

Clément W. MBOUENDEU,
Gardien de la Mémoire de Jean Mbouendé