06 Nov 82-06 Nov 2024:
42 ans que le président Biya est au pouvoir.
En guise d’éclairage le politologue Simon Pierre Mfomo nous plonge dans la pérégrination des méandres de ce règne aux antipodes d’un long fleuve tranquille…
Le Président de la République du Cameroun, Paul BIYA, va fêter ses 42 ans de règne, le 06 novembre prochain. En guise d’éclairage, nous vous proposons d’effectuer, humblement, autour d’une préoccupation centrale, la pérégrination dans les méandres de ce règne aux antipodes d’un long fleuve tranquille.
Le Président Paul Biya aurait-il au lendemain du coup d’Etat avorté de 1984, privilégié, à la place d’un Etat de droit, un mode de gouvernement personnel aux multiples dégâts, à l’instar de la corruption devenue exponentielle ?
A. S’agissant du gouvernement personnel
On peut dire sans aucune ambigüité, que ceux qui prétendent que le Président Paul Biya aurait privilégié un mode de gouvernement personnel, semblent davantage mus par l’intention de livrer une lecture plus compatible avec les clichés de certains journaux occidentaux, que de considérer la réalité institutionnelle camerounaise en tant que telle. Ces contradicteurs du Chef de l’Etat camerounais ne sont donc pas libres.
Ils sont inséparablement tributaires de l’intrigue personnelle formatée par une certaine presse occidentale.
On en conviendrait qu’ils sont en retard d’une évolution-révolution institutionnelle, laquelle, selon les constitutionnalistes camerounais, sous la direction du professeur de Droit Public, Alain ONDOUA, alors professeur à l’Université de Limoges en France et actuel Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Yaoundé II (Soa), fait, conformément à notre Constitution du 18 janvier 1996, de chaque citoyen camerounais, l’artisan de son destin individuel et du destin collectif, par la classification de ses droits et l’arrimage de la vie politique aux exigences d’une société moderne. Il en résulte, toujours selon ces experts camerounais, un instrument juridique d’inspiration libérale, qui multiplie les possibilités d’expression de l’individu par la réduction de la sphère d’intervention étatique, confortant ainsi le statut du citoyen dans l’ordre étatique camerounais. Et les experts de souligner je cite : « la décentralisation territoriale s’insère dans ce vaste mouvement de libération de la vie politique et administrative. Si ce phénomène n’est pas nouveau au Cameroun, la nouveauté réside dans l’adaptation d’une démarche novatrice qui se structure autour du renforcement des pouvoirs des collectivités existantes et la création d’autres collectivités territoriales décentralisées, en l’occurrence les régions. C’est dire que la décentralisation territoriale sort de la réforme constitutionnelle de 1996 enrichie par l’élargissement de ses cadres d’exercice et par l’approfondissement de son objet ».
On peut bien le dire avec le général DE GAULLE : « Une Constitution, c’est un esprit, des institutions, une pratique ». La loi fondamentale du Cameroun, au-delà de « l’indépassable organisation institutionnelle » saluée par les experts susmentionnés, s’attèle avec plus ou moins de bonheur, à affermir l’Etat de droit au Cameroun (consécration des droits fondamentaux, principe de création de nouvelles institutions, institutions déjà toutes opérationnelles : sénat, institutions décentralisées, à l’instar des régions, dont l’autonomie à été accordée par la loi, aux régions de la partie anglophone du Cameroun).
Cette Constitution incarne l’esprit d’authentique homme d’Etat, ouvert et méthodique, du Président Paul Biya. Un démocrate avisé, soucieux du respect des droits de l’homme et du citoyen, ainsi que du développement de son pays. Bien de dirigeants mondiaux lui reconnaissent du reste, ces qualités d’homme d’Etat démocrate et humaniste. A l’exemple de ce vibrant hommage relayé, par les réseaux sociaux et Time of Africa, le 20 septembre 2017, en marge de l’Assemblée Général de l’O.N.U., par le Président Rwandais, Paul Kagamé, ci-après : « je consulte très peu de leaders et de dirigeants africains et mondiaux, car le Rwanda n’a pas de leçons ni conseils à recevoir pour son développement. Mais comme l’avait déjà dit l’ex Président ivoirien, Laurent GBAGBO dans son livre, Paul BIYA est l’un des rares dirigeants africains qui sorte vraiment du lot et que je consulte assez régulièrement. C’est un fin stratège hors paire vis-à-vis des puissances prédatrices de l’Afrique, doué d’une grande vision et clairvoyance pour son pays, son peuple et l’Afrique… ses avis comptent beaucoup pour moi et m’ont très souvent inspiré… ».
Autrement dit, le Président Paul BIYA sait, avec Auguste COMTE, que l’évolution historique des sociétés s’accompagne d’une transformation de leurs structures, que l’auteur attribue au progrès des connaissances. Il intègre pour cela dans son action progressiste, les capacités de recyclage des citoyens et même des élites, tous encore en apprentissage de cette nouvelle société que le Chef de l’Etat camerounais bâtit avec courage et perspicacité.
Ainsi sa démarche politique faite de prudence, de sagesse et de pédagogie, pour ne pas devenir le « Roi Christophe » du Cameroun, fauché dans son action, par sa soif de la démesure, explique son option pour le réformisme. A cet égard, notre pays, depuis le 06 novembre 1982, est porté par une mue réformiste sans précédent dans notre histoire institutionnelle, tournant ainsi le dos à la révolution toujours violente et souillée, parfois, du sang des innocents.
La modernisation de l’Etat, sous Paul BIYA, implique une multiplication des rôles. C’est dire que, suivant une lecture objective, l’Etat du Cameroun, comme tous les Etats modernes, est en interaction, mieux, en négociation constante, avec tous les groupes qui le composent au-dedans, avec les groupes qui lui sont assujettis et, au dehors, avec la société internationale.
La caricature acide d’un Président qui aurait renoncé à l’Etat de droit pour le gouvernement personnel, est donc sans fondement, surréaliste.
En effet depuis son accession à la magistrature suprême, le Président Paul BIYA, a entrepris de déconstruire les pratiques qu’on a pu appeler, ailleurs, « l’omni présidence », ou « l’Etat président », pour signifier la grande présence présidentielle dans la vie institutionnelle. Il a ainsi : renforcé constitutionnellement la décentralisation du pouvoir exécutif et la séparation des pouvoirs ; désacralisé la figure du leader présidentiel par la levée de la censure administrative, qui naguère, limitait la liberté de presse ; aboli la législation d’exception…
On peut conclure ici, que la révolution des mœurs doit accompagner l’inculturation de la vie institutionnelle. En effet, s’il est relativement aisé pour une société de changer ses institutions, et déjà plus difficile de modifier ses structures sociales profondes, la transformation des croyances, des valeurs et des attitudes est une œuvre de longue haleine.
B. Le Président Paul BIYA aurait-il contribué au développement de la corruption au Cameroun ?
La gouvernance démocratique au Cameroun sous Paul BIYA, implique, comme l’a montré plus haut, des réformes institutionnelles et juridiques.
Mais aussi des actions hardies, telle que l’opération baptisée « épervier », opération marquée par l’observance absolue de la distanciation par rapport aux réseaux, par le Chef de l’Etat. En effet, la posture présidentielle d’autorité au-dessus de la mêlée dans la conduite de ladite opération, contribue, à n’en point douter, au renforcement de l’Etat de droit au Cameroun. Notamment en ce qu’elle suppose l’égalité de tous les citoyens devant la loi. Ce qui rend de ce fait, la lutte contre la corruption, populaire dans notre pays.
Par voie de conséquence : ni l’incarcération de personnalités de premier plan, ni celle des potentats du groupe ethnico-régional dont le président Paul Biya est originaire, n’ont pu provoquer la déstabilisation des institutions républicaines, par ailleurs, assises sur un glacis sécuritaire national imperturbable.
En effet, si on intégrait dans l’analyse, la sociologie wébérienne de l’Etat africain, lequel intègre, de manière contradictoire, « domination charismatique » et « domination légale rationnelle », l’on s’apercevrait que de cette contradiction, découle une tension originaire, qui influence l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques. Lesquelles du fait justement de l’ampleur des résistances et intérêts, tendent, dans un contexte d’apprentissage, à n’être qu’incrémentales. Voilà ce qui s’est produit au Cameroun après le putsch avorté d’avril 1984.
Un corps d’Etat étroitement lié au projet de société du nouveau président qui, tout en prétendant assurer la sauvegarde des acquis de l’héritage du régime antérieur, entreprenait de dégager de nouvelles lignes de force dont les orientations semblaient présenter des différences notables avec les options de la vision précédente. D’où le surgissement de différentes appréhensions à différents niveaux. Lesquelles appréhensions ont, on pourrait dire logiquement, abouti au coup d’Etat de type réactionnaire précisé. Coup d’Etat qui n’était ni plus, ni moins, qu’une entreprise de reconquête des positions de pouvoir et d’enrichissement de l’élite politico-militaire qui, justement, l’avait financé par l’argent de la corruption (Mathias Éric Owana Nguini, mémoire de DEA intitulé : le remaniement ministériel au Cameroun : une dimension de la régulation politique).
Pour autant, cette réaction criminelle, n’a nullement émoussé l’engagement à édifier un Etat de droit démocratique et développementaliste, à léguer comme héritage à la postérité, d’un homme, Paul Biya, qui a hérité d’Etat capté par le phénomène de la criminalisation de la société camerounaise dans son ensemble, phénomène auquel chaque groupe, voire chaque individu participe à son niveau, et qui s’échine, contre vents et marrées, même à son corps défendant, à poursuivre la modernisation et le développement du Cameroun dans tous les domaines.
En tout état de cause, la prégnance des résistances patrimonialistes et primordialistes dans la mise en œuvre des politiques publiques, n’est pas une spécialité camerounaise. La corruption existe partout de manière endémique. Lisons à ce propos l’extrait ci-après de la préface du livre du professeur Yves MENY intitulé la corruption de la République : « la corruption en France, opère dans un climat favorable. Dans un univers de règles générales et impersonnelles, une grande partie des énergies des citoyens et des médiateurs que sont les élus politiques est consacrée à obtenir de l’administration, des exceptions, des arrangements…L’ampleur prise à tous les niveaux de l’Etat par la corruption rampante suscite aujourd’hui une réaction de rejet dangereuse pour la classe politique, et périlleuse pour la démocratie elle-même. Plus que d’une réforme de l’Etat, la France a besoin de changer ses mœurs politiques… »
Ce livre vérité publié par l’Edition Fayard en 1994, et qui demeure d’actualité, comme l’attestent des faits récents en France, vient fort à propos nous montrer la pertinence de la double action visant, à la fois, les réformes institutionnelles et juridiques, ainsi que l’assainissement des mœurs privées et publiques, action menée avec volontarisme et clairvoyance, par le Président Paul BIYA, au Cameroun, pour inculturer la logique institutionnelle dans les mœurs des citoyens camerounais.
De plus, le livre de Yves MENY, s’il suggère bien que la naissance de l’Etat au sens moderne du terme, implique une coupure nette avec la confusion « sphère publique », « sphère privée », proscrivant ainsi la privatisation de l’Etat, renseigne néanmoins que l’opposition entre société traditionnelle et société moderne est exagérée. Dans la mesure où elle représente deux schémas abstraits que l’on ne rencontre nulle part dans la réalité. Il y a partout interpénétration d’éléments traditionnels et des traits relevant de la modernité. La constitution de l’Etat, dès lors est un long processus.
C’est dire que, l’Etat étant une question de degré et non de nature, on ne saurait légèrement parler de son inexistence, sans courir de risque d’être en déphasage avec l’opinion publique, dans un contexte, à l’instar du nôtre, où le régime en place trouve l’explication au soutien populaire, qui ne cesse de lui apporter l’écrasante majorité des Camerounais des villes et des campagnes, entre autres, à son rôle social, développementaliste et intégrateur avéré.
Voilà qui est bien dit : « plus que d’une réforme de l’Etat, le Cameroun a besoin d’un changement de mœurs politiques. Et non point de critiques haineuses, destructives, parce que non fondées ». Gardons à cet égard, pour conclure, ces enseignements du philosophe Spinoza dans sa Lecture de l’Ethique qui suivent : « je ne doute pas que tous ceux qui jugent confusément les choses par leurs premières causes, n’aient du mal à concevoir la démonstration, faute certainement de distinguer entre les modifications des substances et les substances elles-mêmes, et de savoir comment les choses se produisent. D’où vient que, le commencement qu’ils voient aux choses naturelles, ils l’attribuent à tort aux substances, car ceux qui ignorent les vraies causes des choses confondent tout, et c’est sans aucune répugnance d’esprit qu’ils forgent des arbres parlant tout autant que des hommes, et des hommes formés de pierres tout autant que de la semence, et imaginent que n’importe quelles formes se changent en n’importe quelles autres… »
L’avons-nous compris hein ? Evitons ce travers. Sachons rester objectifs et perspicaces dans l’analyse.
Dr Simon Pierre MFOMO
Universitaire