CRISE POST ÉLECTORALE :
La leçon de pacification du nationaliste Jean Mbouendé

Au lendemain des élections, le Cameroun est à la croisée des chemins. L’histoire de la pacification du Haut-Nkam, menée par Jean Mbouendé en 1960, offre un modèle de résolution des crises et d’apaisement des tensions. Un exemple à suivre pour un avenir de paix et de stabilité. Lire l’opinion de Clément W Mbouendeu
Crise anglophone et crise post-électorale au Cameroun : Quand l’histoire peut inspirer l’actualité! Cas du Haut-Nkam
Le Haut-Nkam était un bastion du nationalisme et constituait une cible privilégiée pour le pouvoir colonial qui y a encouragé le terrorisme pour salir la vraie UPC. Au plus fort du terrorisme en 1959, Jean Mbouendé, pour sauver des vies, a envoyé une circulaire depuis son refuge pour demander aux populations de se réfugier dans les champs jusqu’à l’avènement de l’indépendance.
L’indépendance et le terrorisme
Le 1er janvier 1960, le Cameroun français est indépendant, mais le terrorisme est plus ample. Le président Ahidjo envoie à Bafang 300 soldats de la communauté française pour la réédition des populations. Ils procèdent par la force et après 3 mois, le bilan est négatif. Les populations disent qu’elles préfèrent mourir en brousse car le seul signe qui peut attester de l’effectivité de l’indépendance, c’est la présence de leur leader Jean Mbouendé.
La loi d’amnistie et le retour de Jean Mbouendé
Le président Ahidjo comprend qu’il y a un problème et signe la loi d’amnistie totale et inconditionnelle en début mai 1960. Jean Mbouendé saisit opportunément cet acte présidentiel et quitte son maquis pour retourner à Bafang le 27 mai 1960 sous une escorte de plus de 15 voitures parties de Douala. La ville de Bafang ne compte que 75 personnes civiles recensées ce jour-là, contre 300 soldats, visiblement mécontents du retour de Jean Mbouendé qu’on croyait mort.

La pacification du Haut-Nkam
Ahidjo est informé et surtout marqué par l’effervescence populaire liée à cet événement. Il va donc inviter Jean Mbouendé à Yaoundé et le recevoir le 1er juin 1960, pour lui confier la tâche de pacification du Haut-Nkam, convaincu qu’il est l’homme qu’il faut pour cette mission. Jean Mbouendé va exiger que les troupes françaises envoyées à Bafang quittent la ville et soient remplacées par les forces camerounaises, aptes et intègres. Le président Ahidjo va accéder à cette demande et parmi les premières forces camerounaises arrivées à Bafang, il y avait Asso’o Émane Benoît, futur Général, qui a d’ailleurs épousé une femme Bafang.
Jean Mbouendé,le pacificateur
Usant de son entregent exceptionnel et sans violence, Jean Mbouendé réussira la pacification du Haut-Nkam, là où la soldatesque coloniale, zélée, a lamentablement échoué. Les populations vont alors exiger qu’il pose sa candidature pour être maire. Il est alors plébiscité lors du scrutin d’avril 1961 et deviendra le premier maire élu de la commune de plein exercice de Bafang. Il s’attelera à donner un visage urbanisé à cette ville avant d’être stoppé par une fausse accusation du préfet, qui voulait l’amener, mais en vain, à distraire les fonds de la commune à ses fins personnelles, de complot contre l’État, ce qui lui vaudrait 5 ans de prison au centre de rééducation civique de Mantoum, sans jugement, faute de charges, après être copieusement torturé dans les brigades mixtes mobiles.
Les préjudices subis par Jean Mbouendé
Il faut également relever que les préjudices subis par Jean Mbouendé par la colonisation et l’endo-colonisation s’évaluent aujourd’hui à des dizaines de milliards parmi lesquels 70 000 000 de francs métropolitains que le gouvernement d’Ahidjo avait sollicité et obtenu de la France pour indemniser le saccage de la concession du nationaliste le 29 mai 1955 mais jamais reversé à l’intéressé.
Moralité : la crise anglophone
Le professeur Abwa, de regrettée mémoire, avait confié qu’avant le Grand Dialogue National, le sommet de l’État avait prescrit la pacification du Haut-Nkam en 1960 par Jean Mbouendé comme inspiration pour sortir de l’impasse dans le NoSo, mais qu’il a été déçu par les organisateurs qui ont méprisé ces prescriptions pour privilégier plutôt l’invitation de leurs amis au festin. Il serait plus qu’urgent aujourd’hui que le Chef de l’État revoie cette voie en choisissant les hommes que les populations peuvent écouter, pour aller leur tenir le langage de la paix, en amnistiant au préalable tout le monde bien sûr.
Moralité : la crise post-électorale
Le peuple du Haut-Nkam n’est pas rebelle, mais est doté d’une fibre nationaliste et patriotique très poussée. Il faudrait convier l’histoire à l’analyse pour le comprendre :
– c’est à Banka-Bafang que naît le premier mouvement syndical en pays bamiléké par l’entremise de Jean Mbouendé, le SPP (Syndicat des Petits Planteurs) en mars 1946 ;
– c’est à Banka-Bafang que voit le jour le premier comité central UPC du Cameroun en juin 1948, par la mutation des structures syndicales bien implantées, en structures politiques ;
– c’est le Haut-Nkam, par le truchement de Jean Mbouendé, qui contribue à hauteur de 4 millions de francs métropolitains au premier voyage de Ruben Um Nyobé aux Nations Unies pour plaider la cause du Cameroun.
L’homme du Haut-Nkam est par conséquent réfractaire à l’injustice et par la persuasion et la non-violence, il adhère facilement à tout projet pacifique et de développement. Et comme tout peuple, il a aussi ses égarés. La revendication pacifique est louable mais tout débordement est à condamner. Mais avant de condamner, il faudrait bien lire le contexte, qui est celui de la souffrance généralisée dans tout le pays en ce moment, causée par la malgouvernance.
Vers un nouveau Cameroun
À l’échelle du Cameroun donc, le Chef de l’État gagnerait à s’inspirer du passé pour contourner les obstacles de son propre camp, en ouvrant le jeu à ses contradicteurs dont les plus en vue ne sont pas cachés, Issa Tchiroma, Maurice Kamto et les autres, pour qu’ensemble ils réfléchissent sur les bases d’un nouveau Cameroun que le peuple appelle de tous ses vœux, sans oublier de pardonner à tout le monde par une mesure d’amnistie. Voilà qui fera détendre l’atmosphère pour le bien de tous.
Paix au Cameroun
Clément W. MBOUENDEU
Gardien de la Mémoire de Jean MBOUENDÉ
