AFFAIRE LICENCIEMENT DE 15 DÉLÉGUÉS DU PERSONNEL DES ENTITÉS SOCOPAO ET BOLLORÉ LOGISTICS CAMEROUN

Jean Marie YOSSA : « Cette décision de justice concernant particulièrement les Délégués du Personnel fera jurisprudence en impactant sur tous les autres recours engagés par les 400 autres travailleurs licenciés… »

Jean Marie Yossa

Alors que 15 délégués du personnel sur 22 des entités Socopao et Bolloré Cameroun avaient été licenciés en 2023 à la suite d’un mouvement d’humeur où ils se battaient pour défendre les droits des employés, à la suite de la Cession de 100% des actifs africains de Bolloré Africa Logistics au groupe MSC, le tribunal administratif de Douala a annulé le 25 juillet 2024 la décision du délégué régional du travail et de la sécurité du Littoral autorisant le licenciement abusif de ses délégués du personnel.
Pour en savoir plus, Forum Libre est allé à la rencontre de Jean Marie YOSSA, le porte parole du collectif des délégués du personnel abusivement licenciés et par ailleurs président du Syndicat des Employés du Transit, des Sociétés du Secteur Maritime et Activités Connexes au Cameroun (SETRASOSMACC).

Forum Libre : Le tribunal administratif de Douala a annulé, jeudi 25 juillet 2024, la décision du délégué régional du travail et de la sécurité sociale du littoral autorisant le licenciement de 15 délégués du personnel sur 22 des entités Socopao Cameroun et Bolloré Transport & Logistics Cameroun. Pour le délégué du personnel abusivement licencié que vous êtes, quel est votre réaction ?

Jean Marie Yossa : Je voudrais avant toute chose rendre grâce à Dieu et saluer la clairvoyance, la diligence et l’impartialité du Tribunal Administratif du Littoral qui a rendu le jugement sur ce dossier hautement complexe qui continue à faire des vagues.
En somme, c’est un ouf de soulagement, un sentiment de satisfaction en notre qualité d’acteur social de premier rang dans le secteur et par ailleurs, président national du syndicat majoritairement représenté dans ces sociétés éponymes et porte-parole du collectif des délégués du personnel éjectés de l’entreprise comme de vulgaires malpropres après des années de dur labeur et de loyaux services rendus à l’entreprise sur des motifs profondément fallacieux, grotesques et discriminatoires ;
Leur seul crime étant d’avoir osé demander la négociation et la signature préalable d’un protocole d’accord devant déterminer les modalités de la continuité ou de la séparation en respect des dispositions très pertinentes de l’article 42 du code du travail camerounais dans le cadre d’une véritable conciliation telle que recommandée par la doctrine.

Depuis décembre 2022, Bolloré Africa Logistics Cameroun a été cédé au groupe MSC qui opère aujourd’hui sous le nom AGL.Quels peuvent être les conséquences de cette décision de justice? Doit-on s’attendre à une reprise de service des délégués du personnel, jadis licenciés par Bolloré Africa Logistics, chez AGL?

Merci pour cette question qui n’est pas dénuée de pertinence.
Le rachat de la société par le groupe MSC avec changement de dénomination n’impacte en rien la décision ; le nouvel acquéreur reprenant le passif et les actifs de l’ancienne entreprise. C’est un choix stratégique de l’entreprise qui rentre dans le cadre d’un changement organisationnel.
Ce que nous déplorons en revanche, c’est la transition mal négociée du passage de Bolloré Transport & Logistics à Africa Global Logistics (AGL) avec notamment ces licenciements massifs et abusifs des travailleurs qui frisaient la barbarie avec des scènes aux allures de films hollywoodiens qui resteraient à jamais gravées dans des mémoires.
Cette décision de justice concernant particulièrement les Délégués du Personnel du fait de leur statut de « travailleurs protégés » au vu de la loi fera jurisprudence en impactant sur tous les autres recours et notamment individuels engagés par les 400 autres travailleurs licenciés dans le cadre de la cession de 100% des actifs Bolloré Africa Logistics au groupe MSC ; le motif étant le même et les Délégués du Personnel malgré leur qualité de représentants des travailleurs demeurant avant tout travailleurs.
Concernant la reprise de service des Délégués du Personnel jadis licenciés par Bolloré, chez AGL. Avec la nullité de la décision ayant autorisé le licenciement des Délégués du Personnel, la réintégration des mis en cause avec toutes ses conséquences de droit est de fait. Toutefois chacune des parties conserve la faculté de solliciter un départ négocié dans le cadre d’une séparation amiable mais tout cela passe déjà par une reconstitution de carrière et le rappel de salaire pour toute la période incriminée.

Avez-vous un message à envoyer en direction des travailleurs de votre secteur d’activité et au gouvernement de la république du Cameroun ?

Le message à passer en direction des travailleurs de notre secteur d’activités est celui de la résilience et l’action en synergie pour relever les défis du secteur. Ils doivent en outre savoir choisir leurs représentants pour la défense et la préservation de leurs droits et intérêts…
Au gouvernement de la République, nous appelons de tous nos vœux, le changement de l’actuel Code du travail dont le contenu ne cadre plus avec les réalités sociales de l’heure. Il en est de même de la concrétisation du projet couverture santé universelle pour garantir la santé et le bien-être des populations. Il est aussi important que le gouvernement veille à la camerounisation des postes de responsables au Ressources humaines qui jusqu’ici ne constitue qu’un slogan creux.
Entretien réalisé par Prince Aristide Ngueukam

Les 22 délégués du personnel des entités Socopao Cameroun et Bolloré Africa Logistic Cameroun lors de leurs installations le 1er décembre 2021(Photos Archive)